Chers ami-es,
Les chiffres publiés de jour en jour sur ce qui est en train de se passer à nos portes projettent un panorama terrifiant de ce qui nous attend au cours de ce prochain siècle si nous ne nous mobilisons pas. Aux naufragés s’ajoutent ceux – pas toujours médiatisés – qui sont asphyxiés, ceux qui sont abandonnés en plein désert, ceux qui crèvent de faim et de soif, ceux qui sont entassés comme des bêtes entourés de fils barbelés, ceux qui tombent «par erreur» sous les tirs des gardes-frontières en presque toute impunité, les victimes de la traite, tous les réfugiés dits «internes» qui n’ont pas pu quitter leur pays… Cette réalité insoutenable pour des centaines et des centaines de milliers de personnes claque quotidiennement à notre face avec une cruauté macabre jusqu’ici méconnue. Elle révèle l’ampleur – immense – des erreurs prévisibles et prévues de notre politique. Comme une marche funeste, ces victimes font résonner toutes les injustices structurelles, innommables et innombrables de notre ordre établi. Elles accablent avec une profondeur jusqu’ici inégalée la validité et la légitimité de notre politique d’asile et d’immigration.
Il ne suffira pas de manifester de manière épisodique de l’empathie dans les discours et de médiatiser le sauvetage de quelques naufrages pour se relever la tête haute face à ce qui est en train de se passer. Les mesures prises sont trop lentes à mettre en place, elles sont insuffisantes et trop étroites. Ne pas agir, c’est oublier que la cause du problème réside dans le dispositif qui a été mis en place au début des années 2000 pour claquemurer l’Europe et pour garder à distance – avant qu’ils n’atteignent le territoire européen – tous les migrants venus du Sud. Quelles que soient les causes de leur exode, tout est fait pour les renvoyer vers des pays où ils croupissent dans des camps ou sont refoulés en chaîne vers des pays qu’ils ont justement cherché à fuir à tout prix. Continuer à cautionner ce dispositif, c’est oublier que c’est bien la politique hyper-restrictive des permis combinée avec les sanctions pénales pour les transporteurs qui empêchent les réfugiés d’utiliser les moyens usuels de déplacement. Ne pas agir, c’est oublier qu’à une majorité accablante le peuple suisse a voté le 9 juin 2013 pour supprimer toute possibilité de déposer une demande d’asile dans les ambassades. C’est oublier que c’est notre politique qui les oblige à faire appel aux passeurs et qui les contraint à prendre tous les risques pour contourner les obstacles légaux.
La crise que nous vivons est très largement de type humanitaire. Elle remet en cause la valeur que nous avons de la vie et de l’être humain. Aujourd’hui, les taux de protection sont supérieurs à 60%. Les Syriens, les Erythréens, les Irakiens et autres qui frappent aujourd’hui à nos portes sont pour une écrasante majorité d’entre eux des réfugiés. Plus le monde se globalise, plus on se doit de protéger les hommes, les femmes et les enfants dans leur globalité. Parce que les processus de fuite sont irréversibles, nous devons arrêter de nous comporter en somnambules, reconnaître leurs besoins de protection, ouvrir les voies de migration légales et augmenter les contingents humanitaires. En d’autres termes, prendre nos responsabilités pour les accueillir avec toute la dignité qui s’impose. Maintenant.