Notre conseil s’apprête aujourd’hui à se prononcer sur la septième initiative populaire populiste de ces quatorze dernières années. Cela fait beaucoup pour un seul pays. Derrière une phonétique doucereuse, Ecopop est avant tout une association à prendre au sérieux parce que le contenu de son initiative est dangereux à plus d’un titre.
Avec cette initiative, la politique migratoire deviendrait toujours plus irréaliste sur le plan des chiffres: le 0,2
pour cent et le 10 pour cent invoqués sont absurdes et consacrés sans aucune explication rationnelle ni scientifique. Avec cette initiative, la politique migratoire deviendrait toujours plus suicidaire pour nos emplois. Si l’initiative d’Ecopop était appliquée, elle aurait pour effet de diminuer l’immigration de 38 pour cent. Le texte implique l’introduction de contingents pour toutes les catégories d’autorisations de séjour de plus d’un an et une dénonciation non seulement de l’accord sur la libre circulation des personnes, mais également, très probablement des accords de Schengen et de Dublin. Cette réduction de 38 pour cent de l’immigration aurait des conséquences dévastatrices sur les besoins de l’économie et sur nos emplois puisque les possibilités de recrutement seraient totalement réduites. Cette décroissance économique induirait des diminutions drastiques de recettes pour les assurances sociales et le fisc, sans compter la mise en place d’une multiplication de bureaucratie avec les contingents et une profonde transformation de notre économie. Avec cette initiative, la politique migratoire deviendrait toujours plus xénophobe et plus colonialiste. Sur le plan de l’aide au développement, l’initiative crée une situation malsaine et induit une profonde remise en cause de la politique de la DDC qui soutient les pays du Sud et les organisations partenaires en fonction de leurs priorités et de leurs demandes. Cette initiative ne tient pas compte de la transition démographique. Or c’est bien la crainte du dépeuplement et du vieillissement de la population qui doit nous inquiéter, et non pas celle de l’explosion démographique. Finalement, il importe de rappeler que les migrations constituent un facteur clé du développement humain, que nous devons les accompagner non seulement par des instruments de gouvernance
qui doivent être développés, mais aussi par une défense stricte des droits fondamentaux des migrants. La limitation artificielle prônée par l’initiative, par des contingents archirigides, nuit gravement à nos emplois et, de par son inefficacité, va augmenter massivement le nombre de travailleurs précaires et de frontaliers. L’initiative contient également une atteinte profondément choquante aux droits fondamentaux, en opposant les droits de la nature à ceux de l’être humain. Après l’échec du 9 février 2014, il est essentiel de ne pas considérer le résultat de la votation comme acquis et de nous mobiliser pour faire échouer l’initiative. Nous vous invitons donc à considérer cette initiative comme valable, à rejeter la proposition de la minorité Pfister Gerhard et à recommander le rejet de l’initiative. Je voudrais faire une déclaration au nom du groupe socialiste, en vous invitant à rejeter l’amendement Gasche et à proposer aux représentants du PBD de soumettre leur proposition dans le cadre d’un réexamen abstrait des critères de validation des initiatives lors de la prochaine séance de la Commission des institutions politiques du 12 août, au cours de laquelle nous étudierons cinq interventions parlementaires relatives au problème des liens entre le droit international et le droit national.
La réelle difficulté à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui se concentre sur la définition du droit international public impératif qui figure à l’article 139 alinéa 3 de la Constitution fédérale, et non sur l’unité de matière. Depuis 1893, un total de 191 initiatives populaires ont été présentées au peuple. Parmi elles, 22 ont été acceptées par le peuple et les cantons, dont 9 entre 2004 et 2014. Sur ces 9 initiatives, 6 ont posé problème, à savoir celle sur l’internement à vie en 2004, celle sur l’imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine en 2008, celle contre les minarets en 2009, celle sur le renvoi des délinquants étrangers en 2010, celle sur le travail des pédophiles en 2014 ainsi que celle sur l’immigration de masse en 2014 également. Toutes ces initiatives touchent à la question de la définition du droit international public figurant à l’article 139 alinéa 3 de la Constitution fédérale. Nous avons échoué sur les solutions institutionnelles, nous avons échoué sur les solutions politiques, il faut maintenant que nous réussissions sur les solutions juridiques. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons instamment, à terme, de faire en sorte que nous puissions trouver une solution juridique dans le domaine de la réinterprétation autonome du droit international public. Nous vous demandons que le Parlement prenne ses responsabilités. Le populisme ne se combat pas par un simple amendement mais par une réflexion profonde au sujet de l’article 139 alinéa 3 de la Constitution fédérale.