Il a fallu une grève générale pour voir le principe d’une assurance-vieillesse consacré dans la Constitution. Il a fallu une guerre mondiale pour la voir se réaliser, après un premier échec en pleine crise des années 1930. Depuis, l’AVS a fait la preuve de sa jeunesse et de sa vitalité, de manière continue et convaincante.
Malgré les oiseaux de mauvais augure néolibéraux, qui prédisaient son déclin dès les années 1990, malgré l’appétit grandissant des assureurs actifs dans le deuxième ou le troisième pilier, l’AVS tient bon, et cela fait bientôt quarante ans que les taux de cotisation sont fondamentalement stables, à 8,4 pour cent, cumulés pour la part patronale et la part salariale. Cela fait également 40 ans que, à part l’introduction du splitting des rentes entre époux et d’un bonus éducatif pour valoriser le travail des femmes auprès des enfants, l’AVS n’a plus connu de véritables améliorations fondamentales. Ce que prévoit l’initiative s’inscrit donc dans le droit chemin de l’histoire de cette pierre angulaire de notre système des retraites: en augmentant de 10 pour cent les rentes AVS, nous pourrions atteindre trois objectifs, à la fois humainement nobles, économiquement raisonnables et financièrement responsables.
Sur le plan humain, il est grand temps de rapprocher les rentes AVS du petit deuxième pilier pour permettre au plus grand nombre de nos retraités d’éviter le recours aux prestations complémentaires.
Mesdames et Messieurs les bourgeois, vous avez la mémoire courte. En effet, il faut se rappeler qu’en 1965, lors de l’introduction des prestations complémentaires, les bourgeois prévoyaient qu’il s’agissait d’une mesure temporaire qui devait disparaître sur le moyen terme. « Pas de mesures assistantielles pour nos aînés », disait-on dans le camp bourgeois.
On compte aujourd’hui, malheureusement, près de 200 000 personnes qui touchent des prestations complémentaires AVS, sans parler du chiffre gris, celui des ayants droit potentiels qui ne les perçoivent pas, un taux qui est estimé à 50 pour cent.
En augmentant les rentes de 10 pour cent, ce chiffre pourrait aisément être réduit de près de 20 pour cent. Et pour le reste des retraités, dont la plupart vivent correctement mais sans luxe particulier, cette hausse signifierait une juste récompense; la dignité de nos aînés après une vie de travail, souvent très dure pour les moins bien lotis, se trouverait alors renforcée de manière considérable.
Sur le plan économique, on l’a dit, chaque franc redistribué à des retraités qui consomment est un franc qui consolide la demande sur le marché intérieur, un franc qui stimule notre croissance en cette période compliquée. Après la décision de la direction de la BNS d’abandonner la défense du taux plancher du franc suisse face à l’euro, toutes les études économétriques le montrent: la propension à consommer dans les ménages à revenus modestes augmente de façon significative en cas de hausse des revenus. Se positionner en faveur de cette initiative est dès lors plus que sensé d’un point de vue conjoncturel.
Enfin, sur le plan financier, il s’agit de faire des choix, de vrais choix politiques. Nous pouvons dilapider les deniers publics en cadeaux fiscaux pour les entreprises qui n’en ont point besoin, comme nous risquons de le faire par le biais de la réforme de l’imposition des entreprises III. Souvenons-nous des contrevérités d’un ancien conseiller fédéral en charge des finances fédérales, qui a prétendu s’être trompé dans les calculs, lors de la réforme de l’imposition des entreprises II, pour mieux cacher un véritable hold-up sur les finances fédérales au profit des entreprises. Demander aujourd’hui une modeste augmentation des cotisations sociales afin de financer une augmentation substantielle des rentes est une mesure financièrement adéquate, une mesure qui redistribue entre classes d’âge les formidables gains de productivité enregistrés par les salariés suisses ces dernières années.
Je vous invite à avoir un peu de mémoire et donc à soutenir cette initiative.