Asile: défendre l’offensive !

Le « bloc bourgeois » mène actuellement une politique de révision de la loi sur l’asile au pas de charge via trois projets de durcissements successifs. Fait exceptionnel, le premier volet ardemment débattu aux Chambres en juin et septembre de cette année a été déclaré « urgent » de manière à entrer en vigueur immédiatement dès son adoption le 29 septembre dernier. Ce paquet urgent comprend notamment la suppression de la procédure d’asile aux ambassades, l’abandon de la désertion et du refus de servir comme seul motif d’asile et la possibilité de placer des demandeurs d’asile dits « récalcitrants » dans des centres spécifiques.

Toute la gauche s’accorde à dire que cette réforme est néfaste pour le droit d’asile. Elle s’inscrit dans le prolongement de toutes les autres réformes qui se sont multipliées depuis 1981 pour introduire des mesures toujours plus restrictives au prétexte d’écarter de la procédure d’asile des réfugiés dits économiques ou délinquants. Certains ont annoncé le lancement du référendum. S’ils ne se font que peu d’illusion quant à une victoire dans les urnes en cas d’un aboutissement qui est plus qu’incertain, ils souhaitent mener ce combat référendaire pour des questions de principe.

Comme socialiste, on peut évidemment comprendre les motivations de celles et de ceux qui veulent aller dans ce sens sans pour autant partager les conclusions de leur analyse. Deux élément primordiaux doivent en effet être pris en compte. Du point de vue de la réalité concrète de l’asile, il faut rappeler que les bureaux de défense des migrant-e-s qui la pratiquent au quotidien tout comme la section suisse d’Amnesty International sont largement opposés à ce lancement. L’échec du référendum a un prix. Après la défaite cuisante du 24 septembre 2006, bon nombre de militant-e-s de terrain et les praticiens ont pu observer que toute la marge de manœuvre dans l’application de la politique d’asile (ex. : délivrances des cas de rigueur, permis humanitaires, autorisations de travail, etc.) a systématiquement été orientée dans le sens de durcissements par la Confédération et les cantons. Dans le contexte actuel, un nouvel échec en référendum intensifierait les mêmes effets qu’au soir du 24 septembre 2006. Du point de vue stratégique, le morcellement d’une contre-réforme en trois volets prôné par la droite pourrait impliquer le lancement de trois référendums successifs, c’est-à- dire la récolte d’un total de 150’000 signatures validées. Cet engagement militant important ne servirait au mieux qu’à conserver le statu quo de la loi de 2006 – que nous avions combattue – et ne contribuerait en rien à consolider notre action par rapport à nos priorités fixées au congrès de Lugano, en particulier auprès des admis provisoires et des sans-papiers qui se trouvent déjà en Suisse et dont le nombre risque d’augmenter ces prochaines années.

Pour sortir de notre dynamique défensive et d’échec, plusieurs arguments plaident en faveur d’une autre stratégie. S’opposer de plein pied à la dynamique actuelle implique de combiner des actions militantes sur le terrain, comme cela a été le cas dans certains cantons pour l’obtention concrète de régularisations de certains requérants d’asile déboutés ou de permis B pour les admis provisoires, la pratique, en lien avec les migrants concernés, avec une action institutionnelle plus intense. Pour créer un rapport de force, l’un ne peut pas aller sans l’autre. En ce sens, le PS devrait approfondir son action militante en parallèle à son action parlementaire. Le lancement d’une initiative populaire exigeant, par exemple, l’égalité des droits entre personnes admises provisoirement et réfugiés statutaires, un statut pour les sans-papiers qui travaillent en Suisse depuis cinq ans et un renforcement de l’aide au développement, doit par ailleurs être sérieusement envisagée par notre Parti. Nous devons à cette cause qui touche au fondement de notre engagement la préparation d’une ligne combative et unitaire dans le prolongement du papier adopté au Congrès de Lugano. A la défensive référendaire, nous devrions privilégier une action plus offensive basée sur cette orientation de fond.

Références et liens

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