Réussir l’intégration: quel rôle pour les communes?

Au micro tout à gauche, Florian Barbey de Radio chablais; sur l'estrade de la maison de quartier Jaman 8, le Professeur Etienne Piguet, Cesla Amarelle, ...

“Intégration: quel rôle pour les communes? » Ce samedi 10 décembre se tenaient les États généraux de la cohésion sociale organisés par la Commune de Montreux. Je vous présente ci-dessous les propositions énoncées dans ce domaine. Un grand merci aux organisateurs et aux participants pour cette rencontre des plus instructives et constructives.

L’intégration n’est pas une anomalie. Il faut introduire des réformes nécessaires afin d’accélérer de manière significative l’intégration en tant que but commun. Dans le domaine de l’intégration professionnelle, il est impératif de supprimer l’ensemble des obstacles à l’insertion sur le marché du travail (mesures désincitatives) et compléter les mesures qui seront déjà prises par le biais de l’actuelle révision de la LEtr pour l’adapter à l’article 121a Cst.: suppression de l’obligation de verser la taxe spéciale de 10% pour les personnes relevant du domaine de l’asile et de l’obligation d’autorisation pour les admis provisoires et le réfugiés exerçant une activité professionnelle.

Afin de renforcer des mesures incitatives concernant la politique d’intégration dans son ensemble, les mesures suivantes doivent être mises en œuvre au plus vite:

1) Encouragement précoce et rapide. Il faut prévoir des mesures d’intégration (cours de langue, ateliers de travail, etc.) dès l’arrivée d’une personne migrante quel que soit son statut car celles-ci sont utiles non seulement si la personne reste ensuite en Suisse mais également en cas de retour.

2) Validation des acquis et équivalence des diplômes par le biais de stages intégratifs et pas uniquement des pré-apprentissages d’intégration (cf. décision du Conseil fédéral du 18 décembre 2015). L’expérience des pré-apprentissages d’intégration mis en place par la Confédération doit être élargie. Il s’agit de prendre exemple sur les modèles qui fonctionnent, en particulier les modèles bâlois et grison (par co-financement du salaire entre ORP et employeur).

Dans le domaine de la formation post-obligatoire, le développement de programmes de bourses d’études pour inciter les universités à effectuer des « call of grants/scholarships » pour les étudiants et doctorants (cf. Allemagne, Suède, Royaume-Uni, Etats-Unis) est également essentiel. A titre d’exemple, on relève que 26% de la population syrienne était inscrite à l’université avant le début des conflits et souffre de l’interruption des études provoquée par la fuite. Les bourses d’études offrent des perspectives à des personnes en demande de protection qui ne sont pas particulièrement vulnérables et qui disposent de potentiels importants.

3) Réforme du statut d’admission provisoire (F) par le passage facilité au permis B au cours des trois premières années de séjour en Suisse. Actuellement, le statut d’admis provisoire requiert une procédure trop lourde, n’est pas eurocompatible, touche un nombre de plus en plus important de personnes non intégrées et pour une longue durée. Bien que l’encouragement à l’intégration individuelle se soit améliorée depuis 2006, les admis provisoires subissent toujours de lourds obstacles structurels à leur intégration (mobilité intracantonale difficile en termes de travail et de domicile ; nécessité d’une autorisation de travail en termes de délais, formalités et taxes ; regroupement familial et délai de carence de trois ans qui les oblige à accepter des postes mal rémunérés ce qui contrevient à une intégration durable; perception péjorative du statut par les potentiels employeurs ; abaissement de l’aide sociale selon les cantons). Le pas qui est en train d’être effectué dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 121a Cst. et qui consiste à faciliter les possibilités de travail par la suppression de l’obligation d’autorisation est juste mais ne va pas suffisamment loin. Il est temps de se référer complètement à la directive 2011/95 concernant la protection subsidiaire qui ouvre, pour les risques d’atteintes graves en cas de renvoi, par exemple en Allemagne, la voie d’un quasi-droit de séjour ordinaire associé à toutes les possibilités inhérentes à ce statut.

4) Amélioration et harmonisation de l’encadrement des mineurs non accompagnés (MNA). Toujours plus d’enfants se retrouvent en fuite seuls sans leurs parents. En 2015, 2’736 MNA ont déposé une demande d’asile en Suisse, soit près du quart des demandeurs d’asile mineurs arrivés sur le territoire helvétique. Ceci représente 7% des demandes d’asile pour l’an dernier (contre 3.34% en 2014 et 1.61% en 2013). Il faut également noter un rajeunissement relatif des enfants concernés : 66% déclarent être âgés de 16 et 17 ans, 26% entre 13 et 15 ans et 4% entre 8 et 12 ans . Actuellement, un certain nombre de MNA âgés de 16 à 18 ans en phase de procédure se trouvent logés par les cantons dans des abris PC ou des établissements ordinaires pour demandeurs d’asile. Ces conditions sont déplorables pour des personnes qui devraient être en formation et ne sont, en aucun cas, un cadre adapté aux MNA. Ce contexte peut avoir des effets très négatifs sur leurs perspectives d’avenir et leur développement. Il faut à ces mineurs une structuration stricte de leurs journées. La scolarisation et la formation doit être immédiate. Pour pouvoir se former, un MNA a besoin d’un cadre adapté (quartiers séparés d’avec les adultes et interaction systématique avec des éducateurs). Les recommandations de la CDAS ne suffisent pas. La Confédération doit donc développer de réelles capacités propres pour l’hébergement des MNA pour le cas où d’importants manquements sont observés dans les cantons et doit exiger la création de centres spécifiques dans chaque canton. Il s’agit notamment d’y être particulièrement attentif dans le cadre de la mise en œuvre de la révision de la loi sur l’asile qui vient d’être plébiscitée. Le forfait global de 18’000.-/an par demandeur d’asile doit être adapté en conséquence car les MNA exigent un encadrement spécifique et la création d’infrastructures particulières.

5) Création d’un double incitatif financier vis-à-vis des cantons par un modèle unique de financement de l’intégration aligné sur les coûts réels et une garantie financière du forfait global. Actuellement, les personnes relevant du domaine de l’asile sont prises en charge au niveau de l’intégration par un forfait unique d’intégration (sociale, culturelle et professionnelle) de 6’000.- versé par la Confédération aux cantons. Le forfait unique d’intégration de 6’000.- est clairement insuffisant puisque de récentes enquêtes démontrent qu’il faut au moins entre 20’000.- et 30’000.- pour permettre à un non-francophone de suivre une centaine de leçons de cours d’une langue nationale pour lui permettre d’acquérir un niveau B1. Ce forfait doit être clairement augmenté et renouvelé pendant trois ou quatre ans.

Par ailleurs, les cantons perçoivent de la Confédération un forfait global de 18’000.-/an pour l’assistance et l’encadrement pour toute personne relevant du domaine de l’asile. Ce forfait annuel est perçu par le canton pour toute la procédure d’asile dans le cas d’un détenteur de livret N, pendant cinq ans pour un permis B réfugié et durant 7 ans pour un admis provisoire si ceux-ci émargent à l’aide sociale. Afin de créer un double incitatif financier pour les cantons, ce forfait annuel de 18’000.- francs devrait pouvoir être garanti au canton quelque soit la dépendance ou non de la personne à l’aide sociale.

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